🐾 Tritrichomonas foetus : le parasite oublié qui sabote la flore
- Cashmere Bengals
- il y a 2 jours
- 6 min de lecture
Dans la continuité de nos articles sur les infections félines — Chlamydia felis, Bordetella bronchiseptica et les co-contaminations cryptiques — intéressons-nous à un agent discret, souvent confondu, rarement compris : Tritrichomonas foetus, le parasite de la dysbiose chronique.)
🧬 Un parasite venu du monde bovin
Tritrichomonas foetus est un protozoaire flagellé microscopique, initialement connu chez le bétail pour provoquer des troubles de la reproduction.
Chez le chat, il s’est adapté au système digestif, où il se nourrit des débris cellulaires et perturbe profondément la flore intestinale.
Ce parasite n’envahit pas les tissus : il se loge dans la lumière du côlon et de l’iléon, où il cohabite avec les bactéries et levures du microbiote.
Mais sa présence modifie l’écosystème intestinal entier, créant un terrain inflammatoire et instable.
Contrairement aux vers ou aux bactéries classiques, Tritrichomonas foetus ne possède pas de mitochondries. Il tire donc son énergie par fermentation, à partir :
des glucides non digérés (amidon, sucres simples, fibres fermentescibles),
de certains acides aminés,
et des débris cellulaires issus de l’inflammation intestinale.
🧬 En d’autres termes :
Plus le côlon est enflammé et plus il y a de sucre ou d’amidon non digéré,plus Tritrichomonas trouve à manger.
🔥 Son mode d’alimentation entretient le cercle vicieux
Lorsqu’il se nourrit :
il fermente les sucres restants,
libère des acides organiques (comme l’acide acétique, lactique, butyrique),
ce qui acidifie le milieu intestinal,
et affaiblit la flore bénéfique (Lactobacillus, Bifidus), qui aime un pH plus neutre.
➡️ Résultat : la flore s’appauvrit, les biofilms se forment, et Tritrichomonas se sent “chez lui”.
C’est le même mécanisme que certaines levures (comme Candida) : une alimentation riche en amidon ou en croquettes nourrit indirectement la prolifération.
Ce qu’il n’aime pas : un intestin stable et pauvre en sucres
Les études et les observations d’éleveurs conscients montrent que :
une alimentation pauvre en glucides et en amidon (viande, poisson, riz bien cuit en très petite quantité),
associée à un terrain intestinal apaisé et peu inflammatoire,
ralentit la prolifération de Tritrichomonas.
Tritrichomonas foetus adore se loger dans les biofilms — ces matrices visqueuses où vivent bactéries et champignons.Dans ce micro-écosystème, il se nourrit :
des résidus bactériens,
des mucopolysaccharides du biofilm,
et des métabolites produits par d’autres microbes.
Il est donc autant parasite que charognard intestinal.
🌿 En clair :
Tritrichomonas foetus est un parasite de la fermentation et du déséquilibre.
Il se nourrit du chaos intestinal, pas de la vie saine.
Rétablir un microbiote stable et une digestion sobre en sucres, c’est littéralement le priver de son carburant.
💩 Les symptômes typiques (et souvent trompeurs)
Chez le chaton comme chez l’adulte, Tritrichomonas se manifeste par :
des selles molles à liquides, parfois moussantes,
une odeur nauséabonde, acide, voire rance,
du mucus, voire un peu de sang,
un chat vif, en bon état, mais impossible à stabiliser.
Ces diarrhées persistent malgré les vermifuges classiques, et récidivent dès l’arrêt d’un traitement ou d’un changement d’alimentation.
🧫 Un mimétisme déconcertant
Le grand piège de Tritrichomonas foetus, c’est qu’il imite parfaitement :
la giardiose,
une intolérance alimentaire,
ou une colite bactérienne.
C’est pourquoi des chatons peuvent être traités à répétition au Panacur, au Dolthène ou aux antibiotiques sans jamais guérir vraiment.
Mais le pire, c’est que ce parasite vit souvent en symbiose avec d’autres microbes opportunistes :
Giardia intestinalis,
Clostridium perfringens,
Campylobacter,
voire Mycoplasma felis via les biofilms intestinaux.
🧬 Pourquoi Tritrichomonas imite Giardia
Ces deux parasites sont des protozoaires flagellés qui vivent dans le côlon et l’intestin grêle inférieur, et provoquent des troubles similaires :
Symptôme | Giardia | Tritrichomonas |
Selles molles ou liquides, mousseuses | ✅ | ✅ |
Odeur très forte, parfois rance ou acide | ✅ | ✅ |
Mucus dans les selles | ✅ | ✅ |
Poids normal, chat vif | ✅ | ✅ |
Diarrhée chronique malgré traitements | Parfois | Très souvent |
Rechutes après stress ou changement | Parfois | Presque toujours |
Mais biologiquement, elles n’attaquent pas de la même manière :
Giardia s’attache à la muqueuse de l’intestin grêle et interfère avec l’absorption des nutriments.
➜ Elle affaiblit le chaton et provoque parfois un poil terne, une perte de poids.
Tritrichomonas, elle, reste dans le gros intestin et crée une inflammation chronique du côlon (colite).
➜ Le chat garde son poids, mais les selles restent liquides et malodorantes, parfois plusieurs mois d’affilée.
Tritrichomonas foetus est à la fois le miroir et le successeur de Giardia :
elle exploite le même terrain, les mêmes déséquilibres, mais elle s’y installe plus durablement, cachée dans les biofilms intestinaux et les co-infections microbiennes.
🔬 Pourquoi les traitements anti-Giardia échouent
Comme les symptômes sont identiques, beaucoup d’éleveurs administrent :
Panacur (fenbendazole),
Dolthène,
ou Flagyl (métronidazole).
Ces molécules peuvent aider un peu…Mais Tritrichomonas foetus y résiste, car elle ne partage pas la même voie métabolique que Giardia.
Résultat :
La diarrhée s’améliore quelques jours, puis revient.L’éleveur pense à une “recontamination”, alors que c’est le même parasite, toujours présent.
🧫 Et le pire : la co-infection
Dans 30 à 40 % des cas, les deux sont présents ensemble.
Tritrichomonas profite du déséquilibre intestinal causé par Giardia pour s’installer, puis prend le relais.
C’est pourquoi un chaton peut :
d’abord réagir au Panacur (éradication partielle de Giardia),
puis retomber malade deux semaines plus tard (Tritrichomonas reprend sa place).
💡 Le signe clé pour les distinguer
Giardia → selles jaunes, grasses, parfois avec des bulles.
Tritrichomonas → selles brunes à verdâtres, très malodorantes, avec mucus et traces de sang, souvent accompagnées de bruits intestinaux.
Mais le diagnostic certain repose sur :
une PCR spécifique Tritrichomonas ( seulement si la souche est active),
ou une observation microscopique du mouvement typique en “tremblement rapide” du protozoaire dans des selles fraîches (moins de 30 minutes après émission).
🧬 L’infection cryptique : quand tout semble normal
Certains chats sont porteurs sains : aucune diarrhée, aucune perte de poids.
Pourtant, ils peuvent réinfecter les autres, surtout en élevage.
Pourquoi ? Parce que Tritrichomonas se cache dans les biofilms intestinaux et échappe à la détection PCR lorsqu’il n’est pas activement excrété.
Un stress, un vaccin, une alimentation trop riche ou une co-infection peuvent réveiller la population dormante et relancer les symptômes.
⚗️ Les tests : oui, mais avec discernement
La PCR est souvent présentée comme “le test absolu”.
Pourtant, sa fiabilité dépend de la phase d’excrétion du parasite :
en période calme → souvent faussement négative ;
en période de diarrhée → plus fiable.
Un seul test négatif ne suffit jamais pour conclure à une absence d’infection.
Et dans bien des cas, la persistance des symptômes malgré les traitements est plus révélatrice qu’un résultat de laboratoire.
🌿 Un terrain fragilisé : la clé du problème
Tritrichomonas n’est pas qu’un parasite, c’est un indicateur de désordre intestinal global.Il prolifère là où :
la flore est déséquilibrée,
le foie est saturé,
le système immunitaire intestinal est débordé.
Autrement dit : il s’installe là où le terrain l’invite.
Ce qui explique que les traitements chimiques seuls échouent,et que seule une approche terrain — rétablissant le microbiome, le redox et la défense cellulaire — peut amener une rémission durable.
🧩 Co-infections et synergies cachées
Dans de nombreux élevages, Tritrichomonas n’agit pas seul. Il abrite ou protège des bactéries et virus dans son biofilm. Certains vers ronds peuvent même héberger le protozoaire et participer à sa dissémination.
Ainsi, les portées infectées présentent souvent :
des vers intestinaux récurrents,
une flore instable,
et parfois des manifestations respiratoires liées à des échanges immunitaires intestin-poumon.
🐾 Un message pour les éleveurs
Sur les forums, on voit encore trop souvent des réactions extrêmes :
“PCR positive = isolement du chaton ou rupture de vente.”
Ces comportements traduisent une profonde méconnaissance de la biologie réelle du vivant.
Tritrichomonas n’est pas une fatalité : c’est un révélateur du terrain et de la gestion collective de l’immunité.
Un éleveur conscient cherche à comprendre, stabiliser, équilibrer — pas à exclure.
✨ Vers une compréhension globale
Tritrichomonas foetus n’est pas seulement un parasite : c’est un messager du déséquilibre intestinal, un indicateur de la qualité du milieu et du lien entre immunité, flore et gestion de stress.
Comprendre sa biologie, c’est aussi remettre en question une vision trop simpliste de la santé :celle qui croit qu’un organisme est “malade” parce qu’un agent est présent — alors que bien souvent, c’est le terrain qui l’autorise à exister.
🌿 Soigner un chat, ce n’est pas traquer un envahisseur, c’est restaurer une harmonie biologique.
Et face à Tritrichomonas foetus, c’est exactement ce que la nature nous enseigne : quand le terrain retrouve son équilibre, le parasite perd sa raison d’être.
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